mercredi 30 mai 2007

Un autre petit texte

Vous êtes assis. Seul. Comme tous les matins.
Vous êtes assis et vous regardez la vie qui passe devant votre banc de parc. Les enfants et les chiens qui jouent, les hommes pressés, les femmes qui tentent d'être toujours plus belles.
Vous les regardez tous passer, sans qu'aucun ne vous rende votre regard.
Sans qu'aucun ne vous retourne votre sourire.

Assis, seul sur votre banc, vous pensez.
Pensez à celle qui, durant presque cinquante ans, a partagé votre quotidien.
Regrettez-vous ce passé ?
Regrettez-vous de ne pas lui avoir assez dit ''je t'aime'' , de lui avoir plus souvent demandé de vous passer le sel, que de lui avoir demandé comment elle allait ?
Probablement.
Probablement, car aujourd'hui, vous êtes seul.

Comme tous les matins, vous nourrissez les écureuils depuis votre banc. Et les oiseaux aussi, quand le parc est tranquille.
Vous vous dites qu'au moins, vous leur êtes utile.
Que si vous n'étiez pas à votre poste, eux le remarqueraient peut-être.
Peut-être même que s'ils savaient que vous devez parfois vous priver pour leur donner un peu de nourriture, ils vous laisseraient les caresser.

Depuis quand personne ne vous a touché monsieur Duguay ?
Depuis quand personne ne vous a dit ''je t'aime'' ?
Depuis quand personne ne vous a tout simplement parlé ?

Vous êtes soudainement très las. Votre solitude vous pèse, vos ans vous pèsent. La vie se fait très lourde.
Trop lourde à porter pour quelqu'un d'aussi seul.
Aussitôt cette sombre pensée formulée dans votre esprit sénile, la peur vous envahit. La vague submergeante vous engloutit. Vous, l'Atlante noyé dans la frayeur de cette certitude : vous mourrez seul.
Seul, et personne ne le remarquera !

Tout devient glacé autour de vous. Tout devient flou et trouble. Le torrent vous emporte. La vie valse sous vos yeux, tourbillonne en une tempête lointaine. Le ressac se fait de plus en plus fort, le vacarme vous assourdit…

Puis une voix.
Une présence.

Votre vision revient. Le calme se fait dans votre esprit et dans votre corps.
La voix reprend.
Et vous la voyez. Petite, blonde. Il lui manque les deux dents de devant.
Elle vous prend la main et vous sourit. Elle vous trouve drôle.
Elle vous raconte combien elle aime les écureuils, elle aussi.
Puis le tourbillon reprend. Un tumulte lumineux de babillage enfantin.
Un tourbillon de vie.

Elle vous appelle ''son vieil ami''.
Elle reviendra demain.
On vous sourit monsieur Duguay. Vous n'êtes plus seul.

6 commentaires:

moi m'aime a dit...

Magnifique!

Cyndie a dit...

wow c'est très touchant, j'ai beaucoup aimé lire ton texte. Ce genre d'histoire parlant de personnes agées m'émeut toujours beaucoup...

mélimelo a dit...

Très beau!

Véro a dit...

tu as la tag va chez moi :)

Cyndie a dit...

ah ah, double tag :P Va chez moi aussi!!! :P

moi m'aime a dit...

zut il ne me restera personne à taguer mdrrr